Dans les années 1980 et 1990, le milieu de l’édition de science-fiction ne se porte pas très bien. Les éditions Marabout passent alors complètement sous l’emprise des éditions Hachette et ses collections emblématiques disparaissent. La revue Fiction s’éteint elle aussi. Le paysage éditorial est en train de se reconfigurer et sa mutation ne se fait pas sans dégâts. Cela n’empêche pourtant pas quelques noms d’émerger, en particulier deux qui vont consacrer une très large part de leur œuvre au genre : Alain Dartevelle et Alain Le Bussy.

Alain Dartevelle n’est pas un auteur conformiste. Son œuvre relève essentiellement de la science-fiction mais se rattache à une tradition moins grand public, plus cérébrale et, à l’image de Jacques Sternberg avant lui, volontiers satirique. Dans ses nouvelles et ses romans, il explore régulièrement la question de la réalité et de sa perception. Il se rapproche en cela d’une autre grande figure de la SF mondiale : Philip K. Dick. C’est indéniablement le cas de deux romans majeurs de son œuvre : Script (1989) et Imago (1993). Les deux relèvent peu ou prou de la dystopie. Le premier imagine une ville tentaculaire, Newgorod, entièrement refermée sur elle-même. On y suit de multiples personnages dans un univers concentrationnaire et l’auteur s’amuse, à travers un récit gigogne, à manipuler le lecteur. Dans Imago, il imagine un monde figé dirigé d’une main de fer par Sigmund Freud lui-même. Cette œuvre multiplie les références psychanalytiques et livre ainsi un roman réflexif à la fois sur l’homme et sur l’imagination.

Dartevelle, Alain - Les mauvais rêves de Marthe
Dartevelle, Alain - Océan noir
Dartevelle, Alain - Le grand transmutateur 2
Dartevelle, Alain - Toy Boy et autres leurres

Dans une tout autre veine, Alain Le Bussy s’inscrit dans la tradition de la science-fiction grand public. Sa carrière, courte mais extrêmement dynamique (il publie ses premiers textes à 45 ans et meurt à l’âge de 63 ans), fait de lui l’un des derniers témoins de ce que pouvait être un écrivain populaire du XXe siècle. Il va ainsi accompagner la fin des grandes collections de science-fiction du Fleuve Noir avant de se tourner vers des éditeurs plus confidentiels comme les éphémères éditions EONS. Il va tout de même trouver le temps de publier plusieurs dizaines de romans, d’innombrables nouvelles et s’essayer à de nombreux genres comme celui de la fantasy, alors émergeant. Plusieurs fois récompensé, il a notamment reçu le prix Rosny aîné pour son premier roman publié, Deltas édité chez Fleuve Noir Anticipation en 1992.

Le Bussy, Alain - Equilibre
Le Bussy, Alain - Nexus de feu
Le Bussy, Alain - Chatinika
Le Bussy, Alain - Jorvan de la mer

La science-fiction belge ne peut être réduite aux quelques auteurs qui ont consacré une partie importante, sinon majoritaire, de leur œuvre au genre. En effet, la plupart des titres parus sont le fait d’auteurs qui ont fait irruption dans la SF à l’occasion d’un titre ou deux. C’est par exemple le cas de grandes figures des littératures de genre comme Georges Simenon qui, dans sa jeunesse, signe quelques titres d’aventures lorgnant vers la SF, et Jean Ray, chez qui l’on peut lire quelques Harry Dickson aux accents science-fictifs. Mais les auteurs de littérature générale ne sont pas en reste et proposent régulièrement des textes aboutis et intéressants. Citons, Jacques Crickillon (Supra-Coronada en 1980), Charles Bertin (Les Jardins du désert en 1981), Jacqueline Harpman (Moi qui n’ai pas connu les hommes en 1995), Amélie Nothomb (Péplum en 1996 et Acide Sulfurique en 2005), Jacques Mercier (L’année 13 en 1998), André-Marcel Adamek (La Grande nuit en 2003) ou encore Thomas Gunzig (Mort d’un parfait bilingue en 2001, Manuel de survie à l’usage des incapables en 2013 et, dans une moindre mesure, Le sang des bêtes en 2022).

Mercier, Jacques - L'année 13
Adamek, André-Marcel - La Grande Nuit
Nothomb, Amélie - Péplum
Gunzig, Thomas - Mort d'un parfait bilingue

À côté de Henri Vernes, un autre auteur belge a largement œuvré dans le domaine de la science-fiction destinée à la jeunesse : Jacques Gouzou. Connu sous le pseudonyme de Philippe Ébly, l’auteur entame sa carrière dans la littérature pour adulte sans grand résultats, avant de se tourner vers la littérature jeunesse et de signer, pour les éditions Hachette et leur célébrissime collection Bibliothèque verte, la série Les Conquérants de l’Impossible. Entamée en 1971 avec Destination Uruapan, la série compte une vingtaine de titres et repose principalement sur le principe du voyage temporel et de ses paradoxes. En 1984, il entame une autre série de science-fiction : Les Patrouilleurs de l’an 4003. Plus courte, elle ne compte que 5 titres et se tourne vers le space opera en mettant en scène des apprentis policiers de l’espace menant des enquêtes sur différentes planètes. Entre ces deux séries, il en publie une troisième, plus orientée vers la magie et s’apparentant donc largement au genre de la fantasy : Les Évadés du temps. Elle compte près d’une dizaine de titres. Décédé en 2014 à Liège, l’auteur a connu une fin de carrière plus discrète.

Ebly, Philippe - Les Conquérants de l'impossible - 5 - Pour sauver le diamant noir
Ebly, Philippe - Les Conquérants de l'impossible - 7 - Le navire qui remontait le temps
Ebly, Philippe - Les Conquérants de l'impossible - 8 - La ville qui n'existait pas
Ebly, Philippe - Les Patrouilleurs de l'an 4003 - 4 - L'enlèvement du dieu blanc
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