Avant que le terme science-fiction se diffuse depuis les États-Unis, il existait déjà une riche tradition de récits spéculatifs. Parmi eux, un courant va s’imposer par sa popularité et faire émerger des auteurs encore aujourd’hui considérés comme des figures incontournables : c’est le merveilleux scientifique. Cette expression est forgée par l’auteur français Maurice Renard et rassemble une riche production entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe. Il connaît un succès important, notamment dans la production grand public et chez les auteurs populaires. Parmi eux, se trouve un Belge : Rosny aîné. L’auteur de La guerre du feu est aujourd’hui considéré comme l’un des pères de la science-fiction et l’une des figures tutélaires du merveilleux scientifique.

Dès le début de sa carrière, l’auteur éprouve un intérêt marqué pour la science et pense qu’un des rôles de la littérature est d’illustrer les mutations sociales qu’elle engendre. Rosny aîné consacre de nombreux récits à la question de l’avenir de l’humanité, notamment dans son rapport à l’altérité. Il est d’ailleurs le premier à mettre en scène des formes de vie intelligentes radicalement autres dont l’existence n’est pas justifiée par un prétexte d’ordre surnaturel. C’est le cas du court roman Les Xipéhuz, publié en 1887, où l’auteur imagine la difficile cohabitation, sur Terre, entre une humanité préhistorique et d’étranges entités non organiques. Ce récit est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers récits de science-fiction.

L’auteur ne s’arrête pas là et signe plusieurs dizaines de romans et nouvelles parmi lesquels on peut retenir Les navigateurs de l’infini (1925) ou encore La mort de la Terre (1910). Le premier, sorte de space opera avant l’heure, est considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre. Il y raconte la rencontre, sur la planète Mars, entre trois astronautes et une forme de vie intelligente et humanoïde menacée par une étrange espèce invasive qui la condamne progressivement à l’extinction. Avec La mort de la Terre, il signe un récit post-apocalyptique aux accents écologiques dépeignant la fin de l’humanité sur une Terre désertifiée par la surexploitation. D’une étonnante actualité !

Le poète et romancier Henri-Jacques Proumen est une autre figure belge de ce merveilleux scientifique. Auteur certainement moins prestigieux et moins reconnu que son illustre aîné, Proumen est pourtant considéré par Maurice Renard comme le digne descendant de Rosny et ce dernier ne manque pas de louer son travail. Signalons notamment deux textes : Sur le chemin des dieux (1928) et Le Sceptre volé aux hommes (1930). Dans le premier, il met en scène un savant fou (l’un des motifs les plus courants du merveilleux scientifique) ayant mis au point une technique scientifique pour dominer les hommes. Dans le second, il imagine une forme de surhommes, les Hyperanthropes qui asservissent l’humanité et l’utilisent comme du bétail.

Les premiers récits d’anticipation d’Albert Bailly se rattachent également au merveilleux scientifique. C’est le cas de Les Vieux de la Terre (1928) et de L’Ether-Alpha (1930). Le premier met lui aussi en scène un savant fou ayant créé une machine projetant des ondes mortelles dans le but de dominer le monde. L’originalité du roman se situe dans le contexte géopolitique choisi par l’auteur qui décide de mettre en scène une planète Terre divisée en trois blocs civilisationnels : les Asiatiques, les Européens et les Américains. Dans L’Ether-Alpha, l’auteur imagine un voyage sur la Lune grâce à un vaisseau construit à partir d’éther. Là-bas, vit une race extraterrestre, les Sélénites, qui décide de bombarder de manière préventive la Terre afin de supprimer tout risque d’invasion pour les humains. Ceux-ci mettent alors au point une puissante invention, le rayonnement Omega, qui protège la Terre des rayons cosmiques et sauve l’humanité. Le roman est un parfait exemple de merveilleux scientifique et connaît un beau succès puisqu’il est récompensé par le prestigieux prix Jules Verne en 1929.

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