Les littératures de l’imaginaire, et la SF avec elles, connaissent depuis le début des années 2000 un bel essor qui se traduit notamment par une production diversifiée. Le travail exigeant et qualitatif de quelques petites maisons d’édition (Le Bélial’, Mnémos, ActuSF, Les Moutons Électriques…) participe évidemment à la valorisation de cette littérature, tout comme celui de quelques grandes maisons d’édition qui proposent des collections consacrées aux littératures de l’imaginaire : « Imaginaire » chez Albin Michel, « Ailleurs et Demain » relancé chez Robert Laffont, « Exofictions » chez Actes Sud pour n’en citer que trois. Si, malheureusement, l’édition belge ne participe plus vraiment à cette dynamique, il est tout de même réjouissant de constater l’émergence d’une nouvelle génération dynamique d’auteurs belges de l’imaginaire.

Ces jeunes écrivains brouillent volontiers les frontières entre les genres, notamment sous l’influence de la fantasy qui s’impose comme le genre le plus populaire de ces dernières années. C’est le cas de Katia Lanero Zamora qui, dans sa trilogie des Chroniques des hémisphères, crée une dystopie teintée de post-apocalyptique dans laquelle elle imagine une planète Terre cruellement en manque d’eau où l’hémisphère Nord, riche et technophile, opère une sécession complète avec le Sud. L’autrice développe un univers empreint de magie et inspiré de l’imaginaire scout où de jeunes élus acquièrent des liens télépathiques avec leur animal-totem.

C’est également le cas de Christelle Dabos. Avec sa série La Passe-miroir, elle s’est imposée comme l’une des figures les plus passionnantes et les plus populaires des littératures de l’imaginaire francophone. Si l’univers de sa saga s’inscrit largement dans l’imaginaire de la fantasy, son postulat de départ la rattache également au genre post-apocalyptique. L’intrigue se déroule sur une Terre littéralement déchirée par un étrange cataclysme qui n’a laissé derrière lui que quelques rares territoires flottants au-dessus d’une mer de nuages.

Le succès de la saga Harry Potter de J.K. Rowling a redéfini les frontières entre le public jeunesse et le public adulte, rendant celles-ci bien plus poreuses et plus floues qu’avant. Nos autrices et auteurs évoluent volontiers entre collections jeunesses et collections adultes tout en s’attirant un lectorat nouveau, constitué aussi bien d’enfants que d’adolescents et d’adultes, et que certains rassemblent depuis quelques années sous l’étiquette young adult. C’est le cas de Christelle Dabos, dont la série est publiée en poche à la fois en Folio et en Folio Junior. C’est également le cas de Cindy Van Wilder. L’autrice est principalement connue pour ses deux séries, oscillant entre fantastique et fantasy, Les Outrepasseurs et Terre de Brume. Entre les deux, elle a signé, en 2016 chez Gulf Stream Éditions, un thriller d’anticipation qui explore le mythe du savant fou tout en faisant la part belle à la dimension psychologique des grands adolescents traumatisés qu’elle met au cœur de son récit : Memorex.

La science-fiction est historiquement un genre très largement dominé par les hommes. Bien qu’elles n’y soient pas inexistantes, les autrices s’y faisaient rares. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui, comme en témoigne cette dernière partie de l’exposition. En plus de Christelle Dabos et Katia Lanero Zamora évoquées plus haut, pensons à Sara Doke. En plus de ses nombreuses nouvelles, elle a publié en 2020 : La Complainte de Foranza aux éditions Leha. Le récit mêle fantasy et polar tout en se teintant de rétrofuturisme. En 2015, l’autrice a également signé Techno Faerie : un recueil de nouvelles relevant, pour reprendre la belle formule de l’autrice, de l’anticipation uchronique.

Enfin, Anne-Sophie Devriese a publié en 2021, son premier roman : Biotanistes. En mettant en scène un futur où la Terre est désertifiée par le changement climatique, le roman s’inscrit dans le sous-genre des écofictions qui anticipent les catastrophes environnementales tout en développant une réflexion sur notre rapport au vivant et à la nature. Ainsi Biotanistes, proche des thèses et des combats de l’écoféminisme, rapproche désastre écologique et patriarcat en imaginant un monde où une mystérieuse épidémie a décimé l’immense majorité des hommes tout en épargnant les femmes.

La relève est assurée.

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